Services de location voués à l’échec, voleurs imaginatifs, policiers zélés, voies cyclables absurdes, la vie à bicyclette n’est pas toujours un long fleuve tranquille. Retour sur quelques épisodes fameux ou insolites de ces dernières années.
Voix du Nord | S. B. | Publié le20/08/2021
La vie à bicyclette n’est pas toujours un long fleuve tranquille à Lille. Photo archives la Voix - VDNPQR
L’explosion au décollage du Gobee Bike
Ils sont verts, ils sont rigolos, ils sont déjà morts mais ils ne le savent pas encore. Octobre 2017 : 500 Gobee bikes envahissent les rues de Lille. Nés à Hong Kong quelques mois plus tôt, ces vélos à louer en free floating, sans stations, se lancent à l’assaut de l’Europe. En commençant par la capitale des Flandres. Le modèle va s’écrouler comme un château de cartes. En quelques semaines, la fragile flotte de biclous est forcée, vandalisée, pillée. La destruction de Gobee Bikes devient un passe-temps pour Lillois désœuvré. Les quelques vélos encore en circulation sont abandonnés n’importe où. C’est la Bérézina. Trois mois seulement après son arrivée, en janvier 2018, la start-up plie piteusement les gaules. Plus personne ne tentera l’aventure du free floating ensuite. Un désert de Gobee.
La naissance des #grandsgestes
Culte. Alors qu’il filme son trajet, un jour de février 2017, un vélotaffeur n’imagine pas qu’il écrit l’histoire. Au début, rien que de très banal : une automobiliste le double par la droite et lui fait une queue de poisson à un feu rouge, près de Lille Grand-Palais. Suit un échange ferme au cours duquel le cyclo commet l’irréparable : il pose la main sur le toit de la voiture, un véhicule de la mairie de Lille. Tout ce petit monde redémarre. Mais la police municipale, témoin de la scène, débarque et force le cycliste à s’arrêter. Le fonctionnaire a le sens des priorités : « Vous n’avez pas à vous appuyer sur une voiture, c’est un bien privé. On ne fait pas de grands gestes. » L’expression passera à la postérité en même temps que la vidéo. Quatre ans plus tard, le mot-dièse #grandsgestes est toujours un cri de ralliement de la cyclosphère lilloise sur les réseaux sociaux. La mairie, elle, s’était contentée à l’époque d’un rappel au règlement… pour « tous les usagers de la route ».
La voie cyclable trop rapide
Ça commence comme un gag : une voie cyclable supprimée… parce que les voitures roulent trop vite. Par arrêté, le 5 décembre 2018, le maire de Lille efface le contresens cyclable de la rue Colpin, dans le Vieux-Lille. Motif, écrit noir sur blanc : « L’insécurité engendrée par les vitesses excessives des automobilistes. » Dans une ville qui se rêve alors capitale verte de l’Europe, le raisonnement laisse songeur. Un malentendu et une « erreur de rédaction », plaide Martine Aubry. Et de rectifier : les excès de vitesse ne sont pas le fait des voitures, mais bel et bien… des vélos, qui menaceraient les piétons. Six mois après, la voie fera son retour, à la faveur d’un réaménagement des trottoirs. On rêve encore d’une telle réactivité appliquée aux carrefours dangereux pour les vélos.Le voleur à la demande
Voler des vélos ? Déjà vu. Vendre des vélos volés sur le Bon Coin ? Classique. Mais vendre des vélos sur le Bon Coin avant de les avoir volés ? Là, on tend l’oreille. La combine a été mise au jour par la police de Lille à l’été 2014. Un habitant du Vieux-Lille avait donné l’alerte. Sa bicyclette venait d’être dérobée, mais il l’avait retrouvée sur le Bon Coin. Un détail l’avait stupéfié : le cliché accompagnant l’annonce avait été pris... avant même le larcin, dans la cave de son immeuble, où le vélo était rangé. Alertés, les policiers parvenaient à piéger et à cueillir le larron. Un ado de 17 ans qui avait mis en place une petite affaire de vol à la demande. Il photographiait et mettait en vente des biclous, puis les dérobait s’ils trouvaient preneurs en ligne. Du « clique et rapplique » à la sauce margoulin. Illégal mais visionnaire.Le vélo-bélier de Munro
Et maintenant, des kamikazes à vélo. Où va le monde ? La scène se passe le 6 avril 2016. Une opération de police est en cours sur le campement rom de la prison de Loos. Un conseiller municipal de la commune, l’écologiste Jean-Luc Munro, arrive sur place. À vélo, comme d’habitude. Des agents lui barrent la route. Que se passe-t-il alors exactement ? Le sexagénaire finit en tout cas les fesses par terre... puis dans le panier à salades. Les policiers affirmeront que l’élu a tenté de forcer leur barrage. Avec sa bicyclette. Une attaque au vélo-bélier ? L’histoire, ubuesque, prêterait à rire si elle n’était pas allée jusqu’au procès (un fonctionnaire a été légèrement blessé). L’affaire vire au symbole, la mobilisation s’organise autour de Jean-Luc Munro, jusqu’au dessinateur François Boucq. Un an plus tard, l’écolo sortira du tribunal avec une amende de 500 € et une notoriété toute neuve. Aux dernières nouvelles, il circulait toujours sur l’arme du délit.
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